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Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/106

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son cachot, pendant que la canaille hurlante dansait autour de l’échafaud mis en pièces, flambant et crépitant jusqu’au ciel comme un feu de la Saint-Jean.

Dès lors en cette ville, et par toute la terre civilisée, il y eut un sort jeté sur les arrêts suprêmes de la justice. Le glaive de la loi ne coupait plus, et comme c’est la mort seule que les assassins redoutent, bientôt un débordement de crimes couvrit le monde, les rues et les chemins ne furent plus tenables pour les honnêtes gens terrifiés, tandis que dans les centrales, bondées par-dessus les toits, les coupe-jarrets s’engraissaient de bons jus de viandes, fendaient la figure de leurs gardiens à coups de sabot, leur faisaient sauter l’œil avec le pouce, ou, simplement par curiosité, s’amusaient à leur dévisser la tête pour voir ce qu’il y avait dedans.

Devant le grand dégât causé dans l’humanité rien que par le désarmement de la justice, le brave saint Pierre trouvait qu’il y en avait assez, et, le cœur gonflé de pitié, avec un bon gros rire courtisan :

« La leçon est réussie, Maître, et je crois qu’ils s’en souviendront… Pas moins, si