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Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/196

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horreur cette chair blanche et fade, dont le pâtissier Bouffartigue faisait des conserves, d’après les procédés des Pères-Blancs.

À cette privation de viande fraîche s’ajoutait le manque d’exercice. Que faire dehors, sous cette pluie, dans les flaques de boue qui les entouraient ?

Noyé, sombré, le Tour-de-Ville !

Quelques vaillants colons, Escarras, Douladour, Mainfort, Roquetaillade, partaient parfois malgré l’averse pour aller bêcher la terre ; remuer leurs hectares, acharnés à des essais de plantations qui produisaient des choses extraordinaires : dans la chaleur humide de cette terre toujours trempée, les céleris en une nuit devenaient des arbres gigantesques, et d’un dur ! Les choux aussi prenaient un développement phénoménal, mais tout en tiges, longues comme des fûts de palmiers ; quant aux pommes de terre et aux carottes, il fallait y renoncer.

Bézuquet l’avait bien dit : rien ne venait ou tout venait trop.

À ces causes multiples de démoralisation, joignez le mal d’ennui, le souvenir de la patrie si lointaine, le regret des chauds cagnards[1]

  1. Abris contre le vent.