Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/20

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« C’est bizarre, disait Mistral, tous bas un peu impressionné, on se croirait un dimanche.

— Si c’était dimanche, nous entendrions les cloches… » ajouta mon fils, sur le même ton, car le silence qui enveloppait la ville et sa banlieue avait quelque chose d’opprimant. Rien, pas une cloche, pas un cri, pas même un de ces bruits de charronnage tintant si clair dans l’atmosphère vibrante du Midi.

Pourtant les premières maisons du faubourg se levaient au bout du chemin ; un moulin d’huile, l’octroi crépi à neuf. Nous arrivions.

Et notre stupeur fut grande, à peine engagés dans cette longue rue caillouteuse, de la trouver abandonnée, les portes et les fenêtres closes, sans chien ni chat, enfants ni poules, ni personne, le portail enfumé du maréchal ferrant dégarni des deux roues qui le flanquent à l’ordinaire, les grands rideaux de treillis dont les seuils tarasconnais s’abritent sont les mouches, rentrés, disparus comme les mouches elles-mêmes et l’exquise bouffée de soupe à l’ail que toutes les cuisines auraient dû exhaler à cette heure-là.