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Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/200

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entendre parler que du mariage de Clorinde avec Pascalon. La malheureuse dame était pourtant dans un état déplorable. Celle-là, oui, l’avait, le mal. Entendez par ce nom vague la maladie bizarre, aqueuse, abattue sur cette colonie de méridionaux. Ceux qui en souffraient devenaient subitement très laids, les yeux tout suintants, le ventre et les jambes enflés ; cela faisait penser au terrible « mal de M. Mauve » dans la légende du Fils de l’homme.

La pauvre marquise était donc toute boudenfle pour employer une expression du Mémorial ; et chaque soir, quand le doux et désespéré Pascalon descendait en ville, il trouvait la pauvre femme au lit, sous un grand parapluie de cotonnade bleue attaché à son chevet, geignant et s’obstinant à refuser la soupe à l’ail, pendant que la longue et douce Clorinde s’activait autour d’une cafetière de tilleul, et que le marquis, dans un coin, bourrait philosophiquement des cartouches pour sa chasse très aléatoire du lendemain.

Dans les cases voisines, l’eau s’égouttait sur les parapluies ouverts, les enfants piaillaient, ou des bruits de dispute, des éclats