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Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/216

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Puis l’écart entre leurs deux âges. Tartarin a bien soixante ans ; il grisonne, il prend du corps. Elle, douze à quinze ans, au plus ; l’âge de la petite Fleurance dans la chanson de chez nous :

L’a prise si jeunette,
Ne sait se ceinturer.

Et c’est cette fillette, ce sauvageon des îles, que nous aurions pour souveraine !

Depuis longtemps, j’avais noté certains indices. Ainsi les indulgences du Gouverneur pour le père, ce vieux bandit de Négonko, qu’il invitait souvent à notre table, malgré la malpropreté de ce hideux gorille, mangeant avec ses doigts, se gavant d’eau-de-vie jusqu’à rouler sous sa chaise.

Tartarin traitait tout cela de « bonne gaieté cordiale », et si la petite princesse, à l’exemple de son père, se livrait à quelque fantaisie bizarre à nous donner froid dans le dos à tous, notre bon maître souriait, la couvait d’un regard paternel qui demandait grâce pour elle et disait : « C’est une enfant… »

Tant bien, malgré ces symptômes, d’autres