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Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/249

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— Tout juste, mon enfant, » fit Tartarin avec un bon sourire.

Mais, en y songeant, c’est par l’imagination, leur fougueuse imagination méridionale, que l’Empereur et lui s’étaient le plus ressemblés. Napoléon l’avait grandiose, débordante, à preuve sa campagne d’Égypte, ses courses dans le désert sur un chameau, — encore une similitude frappante, ce chameau, — sa campagne de Russie, son rêve de la conquête des Indes.

Et lui, Tartarin, son existence tout entière n’était-elle pas un rêve fabuleux !… les lions, les nihilistes, la Jungfrau, le gouvernement de cette île à cinq mille lieues de France ! Certes il ne contestait pas la supériorité de l’Empereur, à certains points de vue ; mais lui, du moins, n’avait pas fait verser le sang, des fleuves de sang ! ni terrifié le monde comme l’otre

Cependant l’île disparaissait au loin, et Tartarin, appuyé contre le bastingage, continuait à parler à haute voix pour la galerie, pour les matelots qui enlevaient les escarbilles tombées sur le pont, pour les officiers de quart qui s’étaient rapprochés.