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Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/282

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plein rêve, comme deux langoustes tirées du fond de l’eau claire, nous fûmes transbordés sur un navire français, ramenés à Marseille, les menottes aux poings, dirigés sur Tarascon et mis au secret dans la prison de la ville.

Nous sommes prévenus d’escroquerie, d’homicide par imprudence et d’infraction aux lois sur l’émigration. Ah ! pour sûr que j’ai dû l’enfreindre, la loi sur l’émigration, car c’est la première fois que j’entends son nom, seulement son nom, à cette coquine de loi.

Après deux jours d’incarcération, avec défense absolue de parler à quiconque — c’est ça qui est terrible pour des Tarasconnais, — nous fûmes conduits au palais par-devant le juge d’instruction, M. Bonaric.

Ce magistrat a commencé sa carrière à Tarascon, il y a une dizaine d’années, et me connaissait parfaitement, étant venu plus de cent fois à la pharmacie, où je lui préparais une pommade pour un eczéma chronique qu’il a dessus la joue.

Pas moins qu’il m’a demandé mes nom, prénoms, âge, profession, comme si nous ne nous étions jamais vus. J’ai dû dire