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Page:David - Les Patriotes de 1837-1838, 1884.djvu/33

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les patriotes

de retarder la marche de l’ennemi, et donna partout l’éveil.

Les cloches de l’église, sonnant à toute volée, appelèrent les patriotes au combat.

Ils accoururent de partout, ces braves, la plupart n’ayant pour armes que des faulx, des fourches ou des bâtons ; troupe héroïque où l’on voyait le père avec ses fils, l’enfant à côté du vieillard. Spectacle toujours émouvant du paysan transformé par l’amour de la liberté en soldat, et se battant avec les instruments de son travail, sans s’occuper du nombre de ses ennemis et de la puissance de leurs armes.

Parmi ces braves, il y en avait peut-être une centaine qui avaient des fusils, des fusils à pierre qui rataient souvent et ne portaient pas loin. Ceux-là se barricadèrent, la plupart au deuxième étage d’une grosse maison en pierre appartenant à Mme Saint-Germain, et située sur le chemin du roi où les troupes devaient passer ; vingt-cinq à trente dans la distillerie du Dr Nelson, à quelques pas plus loin, et une dizaine dans un magasin. Ceux qui n’avaient pas de fusils se placèrent à l’abri des murs de l’église ; ils avaient ordre de se ruer sur l’ennemi avec leurs faulx et leurs fourches à la première occasion qui se présenterait.

Pendant ce temps-là, deux Canadiens-français, faits prisonniers par l’avant-garde des réguliers, apprenaient au colonel Gore qu’il ne passerait pas à Saint-Denis sans combattre. Le colonel anglais, vieux militaire décoré à Waterloo, ne pouvant croire à tant d’audace de la part de simples paysans, donna à peine le temps à ses troupes épuisées de se reposer ; il les harangua, les exhortant à prouver une fois de plus la valeur du soldat anglais, et les engageant à ne pas se laisser faire prisonniers, vu que les paysans ne leur feraient aucun quartier ; et, les divisant en trois détachements, il leur donna l’ordre de marcher en avant.