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Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/87

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La vapeur a été brusquement renversée : le train est en panne.

Personne n’ose baisser les vasistas.

La fumée est aveuglante. Elle n’a pas d’issue. Elle s’engouffre dans les wagons.

Les femmes crient.

Qu’arrive-t-il ?

Nuit profonde ! La lumière insuffisante des veilleuses guide à peine les mouvements.

Les garde-freins descendent des vigies. À tâtons, ils se dirigent sur les trottoirs étroits du côté de la locomotive.

Des cris affolés interrogent.

Doit-on sortir ?… Sortir où ?… Du bras on touche les parois humides.

L’affolement est complet.

Il n’y a qu’une voie. Si un train arrive, c’est une horrible catastrophe.

Personne ne répond.

Des minutes angoissantes.

C’est du délire… On pressent un danger… Le silence de ce tombeau terrifiant est lugubre.

Enfin, une voix, celle du chauffeur se fait entendre.

Cinq cents mètres avant la sortie du tunnel, des vaches apeurées par le grondement sourd du train ont escaladé la claie de leur pâturage… Mugissantes, affolées, elles se sont précipitées dans le souterrain…

Chacun respira.

Les serre-freins remontent à leur poste, et, lentement, la locomotive franchit la courte distance qui la sépare de la station, laissant derrière elle la bouillie sanglante des imprudents animaux.

 

Quinze jours après — chose promise, chose due — Roger et Maurice débarquent dans l’agreste petite station du Lioran.

Du wagon, ils ont donné un coup d’œil aux deux hôtels qui s’élèvent derrière la gare.

Personne aux fenêtres.

Une crainte les saisit.

Silencieux, ils traversent la voie, sortent de la petite gare.

Mais… la joie est le meilleur des talismans… Berthe a déjà recouvré des forces. Elle est devant eux…

C’est au bras de Roger qu’elle entreprend ses premières promenades.

C’est dans cette sauvage déchirure du massif cantalien que le jeune peintre lui murmure ses premières paroles d’amour.

Les promenades se font d’une heure. Elles allongent. Elles durent des après-midi entiers.

Dans ce site grandiose, vraiment alpestre, dans ce délicieux séjour de roches volcaniques boisées de pins, Roger esquisse des paysages et Berthe tresse des gerbes dans la meilleure flore alpine.

Ils sont vraiment heureux.

De jour en jour la santé de Berthe se raffermit. Elle gravit les rochers d’un pied montagnard.

Roger parle de retour.

Il est heureux, c’est vrai. Il veut plus que cela. Il veut son nid. Un vrai nid d’amour, et Mme Méen gagne encore une semaine, puis le départ est décidé.

À Paris, Roger ne prend pas de repos. Du matin au soir, il monte les étages, court rue de Ponthieu pour demander l’avis de Berthe et repart.

Ils optent, enfin, pour un appartement rue de Miromesnil, à proximité de Malcie, très près de Mme Méen. Tout est pour le mieux.

Les tapissiers viennent.

C’est coquet, charmant, délicieux au possible.

Le jour du mariage est fixé !

En une exquise toilette de satin blanc, Berthe, au bras de son mari, pénètre dans le nid, où rien ne manque !

Ils y sont tous deux… Roger murmure des paroles d’amour et Berthe, toute suppliante, le cœur plein d’un tendre émoi, répond :

— Oh ! mon Roger !… comme je t’aime !

― FIN ―