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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/124

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OCTOBRE 1762

deux cents ans, et dont la Providence a enfin termine le cours.

Des gens mal intentionnés ou fort ignorans avaient rendu très-défavorablement ce discours du recteur à M. le chancelier, et avaient rapporté un passage cité, tiré de l’Apocalypse, chapitre xviii, verset 22. Le voici : Et vox citharœdorum, et musicorum ; et tibia canentium et tuba non audietur in te amplius. Ce passage avait été énoncé au sujet de la prise de possession du collège de Clermont, et on sent l’application amère, mais vraie, qu’on en devait faire. Au lieu du mot de citharœdorum, des plaisans, ou des méchans, ou des imbéciles, avaient substitué celui de cynœdorum (Voyez Pétrone, Martial). On voit par cette méprise quelle indécence le terme présentait à l’esprit, et combien cela rentrait dans les préjugés odieux reçus contre la Société. M. le chancelier, dans les reproches qu’il faisait au recteur, appuyait beaucoup sur ce passage, dont il ne disait que le sens en français, et qui par-là devenait inintelligible à son auteur. Ce ne fut qu’avec beaucoup de peine qu’on se concilia et qu’on reconnut qu’on avait substitué le mot cynœdorum à celui de citharœdorum : l’énigme devint claire.

25. — M. Pinto, Juif portugais, vient d’écrire une petite brochure[1] en faveur de sa nation. (On appelle nation portugaise les Juifs portugais et espagnols, établis en France depuis 1550, et jouissant des mêmes privilèges que les autres sujets du roi.) Il attaque surtout le premier chapitre du tome VII des Œuvres de M. de

  1. Apologie pour la nation juive, ou Réflexions critiques sur le premier chapitre du tome VII des Œuvres de M. de Voltaire au sujet des Juifs ; par l’auteur de l’Essai sur le luxe (Pinto) ; Amsterdam, 1762, in-12. Réimprimée, en 1769, dans les Lettres de quelques Juifs. — R.