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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/202

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JUILLET 1763

Italiens ; sont détestables : c’est un drame à scènes à tiroir. Le théâtre s’ouvre par deux haies de soldats repoussant la foule qui voudrait déborder dans la place ; survient le roi d’armes et ses hérauts : le premier publie la paix en chantant ; il finit par ordonner à la garde de laisser entrer tout le monde. « Il est naturel, dit-il, que les enfans s’approchent de leur père. » Il s’en va, les soldats se retirent et la place reste vide. Si l’on ne connaissait le zèle de l’auteur, on regarderait cette absurdité comme une épigramme très-déplacée et même punissable. Arrivent successivement un maître de pension avec ses élèves, qui crache du latin ; puis une grisette, que tient un abbé sous le bras ; de là une satire sur les abbés ; ensuite son mari saoul, qui veut donner sur les oreilles du petit collet, etc. C’est une galerie continuelle de personnages de tous états, disant des chansons fort plates et fort ennuyeuses. On ne peut, en un mot, rien voir de plus misérable ; nulle saillie, nulle gaieté. On ne fera point à Favart le tort d’imputer cette pièce-ci à l’abbé de Voisenon.

5. — Depuis la Richesse de l’État, on ferait une bibliothèque, très-légère il est vrai, mais fort nombreuse, des écrits sans fin auxquels ce rêve patriotique donne lieu chaque jour[1]. Le gouvernement, en laissant paraître indistinctement tout ce qu’écrivent sur cette matière les habiles et les ignorans, les bons citoyens et les mauvais, les plaisans et les raisonneurs, a pour but, sans doute, que tout se perde indistinctement dans ce déluge immense, et que ses ouvrages seuls puissent surnager.

6. — M. de Crébillon continue à donner des romans

  1. Grimm rend compte d’un assez grand nombre de ces écrits dans sa lettre du 15 jniliet 1763. — R.