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Page:De Coster - La Légende d’Ulenspiegel, 1869.djvu/177

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& les larmes de Soetkin, tombant à flots, mouiller ses joues, & tout son pauvre corps friſſonnant & treſſaillant en ses bras. Il demanda qu’elle reſtât près de lui.

Le geôlier dit encore qu’il fallait partir & ôta Soetkin des bras de Claes.

Claes dit à Ulenſpiegel :

— Veille sur elle.

Celui-ci répondit qu’il le ferait. Et Ulenſpiegel & Soetkin s’en furent à deux, le fils soutenant la mère.


LXXIV


Le lendemain, qui était le jour du supplice, les voiſins vinrent, & par pitié enfermèrent enſemble, dans la maiſon de Katheline, Ulenſpiegel, Soetkin & Nele.

Mais ils n’avaient point penſé qu’ils pouvaient de loin entendre les cris du patient, & par les fenêtres voir la flamme du bûcher.

Katheline rôdait par la ville, hochant la tête & diſant :

— Faites un trou, l’âme veut sortir.

À neuf heures, Claes en son linge, les mains liées derrière le dos, fut mené hors de sa priſon. Suivant la sentence, le bûcher était dreſſé dans la rue de Notre-Dame, autour d’un poteau planté devant les bailles de la maiſon commune. Le bourreau & ses aides n’avaient pas encore fini d’empiler le bois.

Claes, au milieu de ses happe-chair, attendait patiemment que cette beſogne fût faite, tandis que le prévôt à cheval, & les eſtafiers du bailliage, & les neuf lanſquenets appelés de Bruges, pouvaient à grand’peine tenir en reſpect le peuple grondant.

Tous diſaient que c’était cruauté de meurtrir ainſi en ses vieux jours injuſtement un pauvre bonhomme si doux, miſéricordieux & vaillant au labeur.

Soudain ils se mirent à genoux & prièrent. Les cloches de Notre-Dame sonnaient pour les morts.

Katheline était auſſi dans la foule de peuple, au premier rang, toute folle. Regardant Claes & le bûcher, elle diſait hochant la tête :