Page:De Coster - La Légende d’Ulenspiegel, 1869.djvu/280

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II


En ce temps-là furent décapités sur le Marché aux Chevaux, à Bruxelles, les sires d’Andelot, les enfants de Battembourg & autres illuſtres & vaillants seigneurs, leſquels avaient voulu s’emparer par surpriſe d’Amſterdam.

Et tandis qu’ils allaient au supplice, étant dix-huit, & chantant des hymnes, les tambourins battaient devant & derrière, tout le long du chemin.

Et les soudards eſpagnols les eſcortant & portant torches flambantes, leur en brûlaient le corps en tous endroits. Et quand ils se mouvaient à cauſe de la douleur, les soudards diſaient : — Comment, luthériens, cela vous fait-il donc mal d’être brûlés sitôt ? »

Et celui qui les avait trahis avait nom Dierick Sloſſe, lequel les mena à Enckhuyſe, encore catholique, pour les livrer aux happe-chair du duc.

Et ils moururent vaillamment.

Et le roi hérita.


III


— L’as-tu vu paſſer ? dit Ulenſpiegel vêtu en bûcheron à Lamme pareillement accoutré. As-tu vu le vilain duc avec son front plat au-deſſus comme celui de l’aigle, & sa longue barbe qui eſt comme bout de corde pendant à une potence ? Que Dieu l’en étrangle ! Tu l’as vue cette araignée avec ses longues pattes velues que Satan, en son vomiſſement, cracha sur nos pays ? Viens, Lamme, viens ; nous allons jeter des pierres dans la toile…

— Las ! dit Lamme, nous serons brûlés tout vifs.

— Viens à Groenendael, mon ami cher ; viens à Groenendael, là eſt un beau cloître où Sa Ducalité Arachnéenne va prier le Dieu de paix de lui laiſſer parfaire son œuvre qui eſt d’ébattre ses noirs eſprits dans les charognes. Nous sommes en carême & ce n’eſt que de sang que ne veut point jeûner Sa Ducalité. Viens, Lamme, il y a cinq cents cavaliers armés autour