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Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/119

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LE MANOIR D’HABERVILLE.

Un critique sévère aurait pu, néanmoins, trouver à redire à ses longs et épais sourcils d’un noir d’ébène.

Au moral, le seigneur d’Haberville possédait toutes les qualités qui distinguaient les anciens Canadiens de noble race. Il est vrai aussi que de ce côté un moraliste lui aurait reproché d’être vindicatif : il pardonnait rarement une injure vraie ou même supposée.

Madame d’Haberville, bonne et sainte femme, âgée de trente-six ans, entrait dans cette seconde période de beauté que les hommes préfèrent souvent à celle de la première jeunesse. Blonde, et de taille moyenne, tous ses traits étaient empreints d’une douceur angélique. Cette excellente femme ne semblait occupée que d’un seul objet : celui de faire le bonheur de tous ceux qui avaient des rapports avec elle. Les habitants l’appelaient, dans leur langage naïf, la dame achevée.

Mademoiselle Blanche d’Haberville, moins âgée que son frère Jules, était le portrait vivant de sa mère, mais d’un caractère plutôt mélancolique que gai. Douée d’une raison au-dessus de son âge, elle avait un grand ascendant sur son frère, dont elle réprimait souvent la fougue d’un seul regard suppliant.

Cette jeune fille, tout en paraissant concentrée en elle-même, pouvait faire preuve dans l’occasion d’une énergie surprenante.

Madame Louise de Beaumont, sœur cadette de madame d’Haberville, ne s’était jamais séparée d’elle depuis son mariage. Riche et indépendante, elle s’était néanmoins vouée à la famille de sa sœur aînée, pour laquelle elle professait un culte bien touchant. Prête à partager leur bonheur, elle l’était