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Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/228

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LES ANCIENS CANADIENS.

la vie, il pouvait encore tout réparer, et une lueur d’espérance ranima son cœur.

De Locheill, encouragé par les paroles de Dumais, avait suivi, avec une anxiété toujours croissante, la scène qui se passait devant lui. Ignorant l’idiome indien, il s’efforçait de saisir, à l’expression de leurs traits, le sens des paroles des interlocuteurs. Quoique la nuit fut un peu sombre, il n’avait rien perdu des regards haineux et méprisants que lui lançaient les sauvages, dont les yeux brillaient d’une lumière phosphoreuse, comme ceux du chat-tigre. Connaissant la férocité des Indiens sous l’influence de l’alcool, il ne vit pas, sans surprise, Dumais leur passer le flacon ; mais, quand il vit l’un d’eux s’abstenir de boire et l’autre étendu mort-ivre sur le sable, il comprit la tactique de son libérateur pour se débarrasser d’un de ses ennemis. Quand il entendit prononcer le nom de Wallace, il se rappela que pendant la maladie de Dumais, il l’avait souvent entretenu des exploits fabuleux de son héros favori : sans pouvoir néanmoins deviner à quelle fin il entretenait le sauvage des exploits d’un guerrier calédonien. S’il eût compris la fin du discours du Canadien, il se serait rappelé les quolibets de Jules à propos du prétendu plat favori de ses compatriotes. Quand il vit la colère briller dans les yeux de Dumais, quand il le vit serrer son casse-tête, il allait lui crier de ne point frapper, lorsqu’il lui vit reprendre une attitude pacifique. Son âme généreuse se refusait à voir son ami exposé, par un sentiment de gratitude, à passer par les armes, en tuant un sauvage allié des Français.

Le Canadien garda pendant quelque temps le