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Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/254

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LES ANCIENS CANADIENS.

bonnes paroles, s’écria de Locheill en joignant les mains.

— Mon cher Arché, reprit la religieuse, je vous absous moi de tout mon cœur ; vous avez rempli les devoirs souvent pénibles du soldat, en exécutant les ordres de votre supérieur : votre dévouement à notre famille vous eût perdu sans ressource, sans empêcher la ruine de mon frère ; oui, je vous absous moi, mais j’espère que vous pardonnerez maintenant de même à votre ennemi.

– Mon ennemi, madame, ou plutôt celui qui le fut jadis, a eu à solliciter son pardon de Celui qui nous jugera tous. Il se déroba un des premiers par la fuite au champ de bataille qui nous a été si funeste ; un coup de feu l’étendit blessé à mort sur un monceau de glace ; il n’a pas même eu une pierre pour y appuyer sa tête ; le tomahawk a mis fin à ses souffrances, et sa chevelure sanglante pend maintenant à la ceinture d’un Abénaquis. Que Dieu lui pardonne, continua Arché en élevant les mains, comme je le fais du plus profond de mon cœur ! (e)

Un rayon de joie illumina le visage de la supérieure : née vindicative comme son frère le capitaine d’Haberville, une religion toute d’amour et de charité, en domptant chez elle la nature, n’avait laissé dans son cœur qu’amour et charité envers tous les hommes. Elle parut prier pendant un instant, et reprit ensuite :

— J’ai tout lieu de croire qu’il sera facile de vous réconcilier avec Jules. Il a été aux portes de la mort ; et pendant son délire, il prononçait sans cesse votre nom, parfois en vous apostrophant d’une voix menaçante, vous adressant les reproches les plus sanglants,