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Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/256

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LES ANCIENS CANADIENS.

en ont le moins besoin, ajouta la supérieure en souriant avec bonté ! Adieu, encore une fois ; que le bon Dieu vous bénisse, mon fils.

Ce ne fut que quinze jours après cette visite que de Locheill se présenta de nouveau à l’hospice, où Jules, que la supérieure avait satisfait par les explications qu’elle lui avait données, l’attendait avec une anxiété nerveuse pour lui prouver qu’il n’éprouvait aucun autre sentiment que celui de l’affection, dont il avait jadis donné tant de preuves. On convint de ne faire aucune allusion à certains événements, comme sujet d’entretien pénible pour tous deux.

Lorsque de Locheill entra dans la petite chambre qu’occupait Jules en sa qualité de neveu de la supérieure, par préférence à d’autres officiers de plus haut grade, Jules lui tendit les bras, et fit un effort inutile pour se lever du fauteuil où il était assis. Arché se jeta dans ses bras, et ils furent longtemps tous deux sans prononcer une parole. D’Haberville, après un grand effort pour maîtriser son émotion, rompit le premier le silence :

— Les moments sont précieux, mon cher Arché, et il m’importe beaucoup de soulever, s’il est possible, le voile de l’avenir. Nous ne sommes plus des enfants ; nous sommes des soldats combattant sous de glorieux étendards, frères d’affection, mais ennemis sur les champs de bataille. J’ai vieilli de dix ans pendant ma maladie : je ne suis plus ce jeune fou au cœur brisé, qui se ruait sur les bataillons ennemis en implorant la mort ; non, mon cher frère, vivons plutôt pour voir de meilleurs jours : ce sont là tes dernières paroles, lorsque tu confiais mon corps sanglant aux soins de mes grenadiers : ce sont là tes dernières pa-