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Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/265

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LE NAUFRAGE DE “L’AUGUSTE.”

proie à de bien lugubres pressentiments que nous levâmes l’ancre, le 15 octobre dernier. Grand nombre d’entre nous, pressés de vendre à la hâte leurs biens meubles et immeubles, l’avaient fait à d’immenses sacrifices, et ne prévoyaient qu’un avenir bien sombre sur la terre même de la mère-patrie. C’était donc le cœur bien gros que, voguant d’abord à l’aide d’un vent favorable, nous vîmes disparaître à nos yeux des sites qui nous étaient familiers, et qui nous rappelaient de bien chers souvenirs.

Je ne parlerai que succinctement des dangers que nous courûmes au commencement de notre voyage, pour arriver au grand sinistre auquel j’ai échappé avec six seulement de nos hommes. Nous fûmes, le 16, à deux doigts du naufrage, près de l’Île-aux-Coudres, où un vent impétueux nous poussait, après la perte de notre grande ancre.

Le 4 novembre, nous fûmes assaillis par une tempête affreuse qui dura dix jours et nous causa de grandes avaries. Le 7, un incendie, que nous eûmes beaucoup de peine à éteindre, se déclara pour la troisième fois dans la cuisine, et nous pensâmes brûler en pleine mer. Il serait difficile de peindre les scènes de désespoir qui eurent lieu pendant nos efforts pour maîtriser l’incendie.

Nous pensâmes périr le long des côtes de l’Île Royale, le 11, sur un énorme rocher, près duquel nous passâmes à portée de fusil, et que nous ne découvrîmes qu’à l’instant, pour ainsi dire, que le navire allait s’y briser.

Nous voguâmes, depuis le 13 jusqu’au 15, à la merci d’une furieuse tempête, sans savoir où nous étions. Nous fûmes obligés de remplacer, autant que faire se