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Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/296

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LES ANCIENS CANADIENS.

ses rayons, je retrouve partout des objets, des sites qui me rappellent de bien doux souvenirs ! C’est ici que je vous faisais jouer, lorsque vous étiez enfant, avec les coquilles que je ramassais tout le long de ce rivage ; c’est dans cette anse que je donnais à mon frère Jules les premières leçons de natations ; voici les mêmes fraisiers et framboisiers où nous cueillions ensemble les fruitages que vous aimiez tant ; c’est ici, qu’assise sur ce petit rocher, un livre à la main, tandis que nous chassions, votre frère et moi, vous attendiez notre retour pour nous féliciter de nos prouesses, ou vous moquer de nous lorsque notre gibecière était vide : il n’y a pas un arbre, un buisson, un arbrisseau, un fragment de rocher qui ne soit pour moi une ancienne connaissance, que je revois avec plaisir. Quel heureux temps que celui de l’enfance et de l’adolescence ! Toujours à la jouissance du moment, oublieuse du passé, insouciante de l’avenir, la vie s’écoule aussi paisible que l’onde de ce charmant ruisseau que nous franchissons maintenant ! C’est alors que nous étions vraiment sages, Jules et moi, lorsque nos rêves ambitieux se bornaient à passer nos jours ensemble sur ce domaine, occupés de travaux et de plaisirs champêtres.

— Cette vie paisible et monotone, interrompit Blanche, est celle à laquelle notre faible sexe nous condamne : Dieu, en donnant à l’homme la force et le courage, lui réservait de plus nobles destinées. Quel doit être l’enthousiasme de l’homme au milieu des combats ! Quel spectacle plus sublime que le soldat, affrontant cent fois la mort dans la mêlée, pour ce qu’il a de plus cher au monde ! Quel doit être l’enivrement du guerrier, lorsque le clairon sonne la victoire !