Aller au contenu

Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
302
LES ANCIENS CANADIENS.

traîné par le cheval que votre main a nourri pour être le meurtrier de votre fils ! et que les ronces dégouttantes eussent porté de mes cheveux les dépouilles sanglantes ! Allons, viens souper, avait dit le capitaine, puisqu’il y a un Dieu pour les étourdis de ton espèce.

C’est ce qui s’appelle parler cela, avait répliqué Jules.

— Voyez donc ce farceur ! dit à la fin votre père en riant.

— Je n’ai jamais pu comprendre, ajouta Arché, pourquoi votre père, si vindicatif d’ordinaire, pardonnait toujours si aisément les offenses de Jules, sans même paraître ensuite en conserver le souvenir.

— Mon père, dit Blanche, sais que son fils l’adore ; qu’il agit toujours sous l’impulsion du moment, sans réfléchir aux conséquences de ses étourderies, et qu’il s’imposerait les privations les plus cruelles pour lui épargner le plus léger chagrin. Il sait que, pendant une cruelle maladie, suite de blessures dangereuses qu’il avait reçues à Monongahéla, son fils, fou de douleur, nous fit tous craindre pour sa raison, comme vous savez : si je puis me servir d’une telle expression, Jules ne peut jamais offenser mon père sérieusement.

— Maintenant, reprit Arché, que nous avons évoqué tant d’agréables souvenirs asseyons-nous sur ce tertre où nous nous sommes jadis reposés tant de fois, et parlons de choses plus sérieuses. Je suis décidé à me fixer au Canada ; j’ai vendu dernièrement un héritage que m’a légué un de mes cousins. Ma fortune, quoique médiocre en Europe, sera considérable, appliquée dans cette colonie, où j’ai passé