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Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/317

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LE FOYER DOMESTIQUE.

de 1760, comme tu l’appelles par égard pour ma modestie, mais, mon cher Jules, tu dois aussi avoir eu à te louer des tiennes, toutes courtes qu’elles sont, dans la retraite de 1759 ; une politesse se rend par une autre, comme tu sais : toujours par égard pour la modestie du soldat.

— Vous n’y êtes pas, mon cher, il y a erreur dans les rôles ! une égratignure, que j’avais reçue d’une balle anglaise qui m’avait effleuré les côtes, ralentissait considérablement mon pas de retraite, lorsqu’un grenadier, qui m’avait pris en affection singulière (je ne sais pourquoi), me jeta sur son épaule sans plus de respect pour son officier que s’il eût été un hâvre-sac, et toujours courant, me déposa dans l’enceinte même des murs de Québec. Il était temps : le brutal, dans son zèle m’avait transporté la tête pendante sur ses chiens de reins, comme un veau qu’on mène à la boucherie, en sorte que j’étais suffoqué lorsqu’il se déchargea de son fardeau. Croirais-tu que le coquin eut l’audace, à quelque temps de là, de me demander un pourboire pour lui et ses amis, charmés de voir leur petit grenadier encore une fois sur ses jambes, et que je fus assez sot pour le régaler lui et ses compagnons ! Je n’ai jamais pu conserver rancune à personne ! ajouta Jules avec un grand sérieux. Mais voici ton dîner tout fumant, que ton amie Lisette avait gardé sur ses fourneaux : il est vrai que pour l’anxiété que tu nous as causée, (car la fête n’aurait point été complète sans toi,) tu mériterais de prendre ton repas sur le billot ; mais amnistie pour le présent, et à table (e). Voici José qui t’apporte le coup d’appétit en usage chez toutes les nations civilisées : il est si charmé de te voir, le vieux, qu’il montre ses dents d’une oreille