Aller au contenu

Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
325
LE FOYER DOMESTIQUE.

tout ensemble ; mais chante toujours en attendant, ma chère Blanche.

Celle-ci hésita encore ; mais craignant d’attirer sur elle l’attention de la société par un refus, elle chanta avec des larmes dans la voix les couplets suivants : c’était le cri déchirant de l’amour le plus pur s’échappant de son âme malgré ses efforts pour le refouler dans son cœur :

C’est pour toi que je les arrange ;
Cher Blaise, reçois de Babet
Et la rose et la fleur d’orange
Et le jasmin et le muguet ;
N’imite pas la fleur nouvelle
Dont l’éclat ne brille qu’un jour :
Pour moi, ma flamme est éternelle ;
Pour moi, ma vie est mon amour.

Comme le papillon volage
Qui voltige de fleurs en fleurs,
Entre les filles du village
Ne partage point tes ardeurs,
Car souvent la rose nouvelle
Ne vit et ne brille qu’un jour :
Et que ma flamme est éternelle
Et que ma vie est mon amour.

Si je cessais d’être la même ;
Si mon teint perdait sa fraîcheur :
Ne vois que ma tendresse extrême :
Ne me juge que sur mon cœur :
Souviens-toi que la fleur nouvelle
Ne vit et ne brille qu’un jour :
Pour moi ma flamme est éternelle !
Pour moi ma vie est mon amour !

Tout le monde fut péniblement frappé de ces accents plaintifs dont on ignorait la vrai cause, l’attribuant aux émotions qu’éprouvait Blanche, de voir, après de si cruelles infortunes, son frère bien-aimé échappé comme par miracle au sort des combats, et se retrou-