Aller au contenu

Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/326

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
328
LES ANCIENS CANADIENS.

monde rentra dans la maison pour se livrer à des jeux moins fatigants, tels que « la compagnie vous plaît-elle », « cache la bague, bergère », « la cachette », « l’anguille brûle », &c. On termina par un jeu, proposé par Jules, qui prêtait ordinairement beaucoup à rire.

Les anciens Canadiens, terribles sur les champs de bataille, étaient de grands enfants dans leurs réunions. Presque tous étant parents, alliés, ou amis depuis l’enfance, beaucoup de ces jeux, qui seraient inconvenants de nos jours et qui répugneraient à la délicatesse du sexe féminin des premières sociétés, étaient alors reçus sans inconvénients. Tout se passait avec la plus grande décence : on aurait dit des frères et des sœurs se livrant en famille aux ébats de la plus folle gaieté (g).

Ce n’était pas sans intention que Jules, qui avait sur le cœur la pincée de l’aimable Élise, proposa un jeu d’où il espérait tirer sa revanche. Voici quel était ce jeu : une dame assise dans un fauteuil, commençait par choisir une personne pour sa fille ; on lui mettait ensuite un bandeau sur les yeux, et il lui fallait alors, à l’inspection du visage et de la tête seulement, deviner laquelle était sa fille de tous ceux qui s’agenouillaient devant elle, la tête enveloppé d’un châle ou d’un tapis ; chaque fois qu’elle se trompait, elle devait payer un gage. C’était souvent un jeune homme, un vieillard, une vieille femme qui s’agenouillait, la tête ainsi couverte : de là résultaient des quiproquos.

Quand ce fut le tour d’Élise de trôner, elle ne manqua pas de choisir Jules pour sa fille, ou son fils, comme il plaira au lecteur, afin de le martyriser un