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Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/74

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LES ANCIENS CANADIENS.

cher au monde suspendu au-dessus de l’abîme, ne poussa qu’un seul cri, mais un cri si déchirant qu’il pénétra comme une lame d’acier dans le cœur des spectateurs ; et, perdant aussitôt connaissance, elle tomba comme une masse inerte sur le rivage. On s’empressa de la transporter au manoir seigneurial où les soins les plus touchants lui furent prodigués par madame de Beaumont et sa famille.

Quand à Dumais, à l’aspect de sa femme et de ses enfants, une espèce de rugissement de jaguar, un cri rauque, surhumain, indéfinissable, qui porta l’effroi dans l’âme des spectateurs, s’échappa de sa poitrine oppressée ; et il sembla tomber ensuite dans un état d’insensibilité qui ressemblait à la mort.

Ce fut au moment précis où le vieux pasteur administrait le sacrement de pénitence, que Jules d’Haberville, Arché de Locheill et leur compagnon arrivèrent sur les lieux. Jules fendit la foule et prit place entre le vénérable curé et son oncle de Beaumont ; Arché, au contraire, s’avança sur le rivage, se croisa les bras, saisit d’un coup d’œil rapide tout l’ensemble de cette scène de désolation et calcula les chances de salut.

Après une minute de réflexion, il bondit plutôt qu’il ne courut vers le groupe où se tenait Marcheterre ; et, tout en se dépouillant à la hâte de ses vêtements, il lui donna ses instructions. Ses paroles furent brèves, claires et concises : — Capitaine je nage comme un poisson, j’ai l’haleine d’un amphibie ; le danger n’est pas pour moi, mais pour ce malheureux, si je heurtais la glace en l’abordant. Arrêtez-moi d’abord à une douzaine de pieds de l’îlot, afin de mieux calculer la distance et d’amortir ensuite le choc : votre expérience