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Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/82

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LES ANCIENS CANADIENS.

partir un émissaire à toute bride pour amener le plus habile chirurgien de Québec, et un autre émissaire pour préparer des relais de voitures sur toute la route, en sorte que demain à midi, au plus tard, votre mauvaise jambe serra si bien collée, que dans deux mois vous pourrez faire à l’aise le coup de fusil avec vos anciens amis les Iroquois.

Lorsque le vieux pasteur entra dans la chambre où l’on avait transporté sa fille d’adoption, elle était à demi-couchée sur un lit, tenant son plus jeune enfant dans ses bras, tandis que l’autre dormait à ses pieds. Pâle comme la statue de la mort, froide et insensible à tout ce que madame de Beaumont et d’autres dames du village pouvaient lui dire pour calmer son désespoir, elle répétait sans cesse : mon mari ! mon pauvre mari ! je n’aurai pas même la triste consolation d’embrasser le corps froid de mon cher mari, du père de mes enfants !

En apercevant le vieux curé, elle s’écria, les bras tendus vers lui :

— Est-ce vous, mon père, qui m’avez donné tant de preuves d’affection depuis mon enfance, qui venez maintenant m’annoncer que tout est fini ? Oh ! non ; je connais trop votre cœur : ce n’est pas vous qui vous êtes chargé d’un tel message pour l’orpheline que vous avez élevée. Parlez, je vous en conjure, vous dont la bouche ne profère que des paroles consolantes.

— Votre époux, dit le vieillard, recevra une sépulture chrétienne.

— Il est donc mort ! s’écria la pauvre femme ; et des sanglots s’échappèrent pour la première fois de sa poitrine oppressée.