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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/111

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MÉMOIRES.

Tout avait été concerté d’avance, le tonnelier attendait le fugitif, ses douves et son maillet à la main. Quelques jours après, le condamné, dont les antécédents étaient connus du capitaine et de l’équipage d’un vaisseau partant pour l’Europe, faisait, dans une tonne déposée à bord en plein jour, partie de la provision d’eau d’un navire.

Plusieurs années après, mon grand-père voyageant dans je ne sais quelle partie de la France, se trouva face à face avec le fugitif.

— Capitaine de Gaspé, s’écria-t-il, je suis un homme perdu si vous me dénoncez.

— Je ne suis pas un mouchard, fit mon grand-père ; je vous ai plaint, comme tout le monde, lors de votre triste aventure ; mais j’espère du moins que cette terrible leçon vous a profité.

— Informez-vous de moi dans le village sous mon nom d’emprunt de ……… et vous verrez que je mène une vie honnête et sans reproche. Il disait la vérité.

Et c’est ainsi qu’un gentilhomme sauvait la seconde fois la vie à un roturier, par un sentiment d’humanité que réprouvait le stricte devoir d’un officier français. Oh non ! la noblesse française n’était pas si avide du sang du peuple que le bon peuple lui-même devait l’être du sang des nobles ! Témoins les horreurs de la révolution française.

Mais revenons à M. de Repentigny. J’ai connu beaucoup de vieillards, tant gentilshommes que plébéiens, demeurant à Québec, lors de la mort de Philibert, et leur version était la même. L’enseigne même de cet homme témoignait de son caractère hargneux