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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/128

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MÉMOIRES.

qu’elle me plaça un jour dos à dos avec un de ses enfants pour juger de notre taille. Un grand personnage ne laisse pas plus de trace dans la mémoire d’un enfant, qu’un autre individu, à moins que quelques circonstances ne le rappelle à son souvenir. Mais j’ai bien connu son fils le colonel Carleton, vers l’année 1810. Ma mère disait qu’il était l’image vivante de son père, et je dois alors convenir que le capitaine Gouin, avait raison de dire « qu’il avait plein la main de ce nez de Gouverneur. »

Les affections hystériques n’étaient guère connues des anciens Canadiens : la scène suivante semble le prouver. C’est ma grand-mère maternelle qui fait ce récit :

J’étais un soir chez Lady Dorchester ; sa sœur, Lady Anne, semblait très inquiète de l’absence de son mari parti le matin pour la chasse, et en retard de quatre à cinq heures. Nous la rassurâmes du mieux qu’il nous fut possible, en lui donnant toutes les raisons d’usage pour motiver son absence. Vers onze heures, Lady Anne se mit à pousser des éclats de rire, qui nous parurent assez étranges. Lady Dorchester, qui paraissait évidemment mal à l’aise, me dit à l’oreille : N’y faites pas attention, ma sœur est sous l’influence d’une attaque hystérique.

— Je n’ai jamais entendu parler de cette maladie, lui dis-je.

— C’en est une très dangereuse, fit Lady Dorchester ; je suis très inquiète, car elle est maintenant dans la phase la plus alarmante de cette affection nerveuse : si elle peut pleurer le danger sera moins grand.