Aller au contenu

Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
131
MÉMOIRES.

aux manières simples, et toujours vêtu, surtout pendant l’hiver, comme s’il eût voulu imiter le sultan Aaroon, des « Mille et une Nuits. »

Un habitant de Beauport se rendant à Québec, avec un voyage de bois, fit rencontre, sur le pont de glace de la Petite-Rivière, d’un vieillard vêtu d’une redingote usée, le chef couvert d’un vieux casque de martre tout pelé. Ses yeux rouges laissaient échapper quelques larmes. Jean-Baptiste, mû par la compassion, à la vue de ce vieillard, dont la fatigue semblait arracher des pleurs lui dit :

— Vous paraissez bien fatigué, père : ma voiture n’est guère convenable, mais vous ferez toujours mieux sur ma charge de bois que de marcher dans cette neige boulante.

Le piéton accepte l’offre avec reconnaissance, monte sur la charge et une longue conversation s’engagea entre lui et cet homme si poli pour les vieillards. Arrivé au pied de la côte du Palais, l’habitant fut un peu surpris de le voir rester toujours sur la charge, sans égard pour son cheval. Mais, pensa-t-il, le pauvre vieux est apparemment bien fatigué ; ma guevalle (cavale) est vaillante, il est bien chétif, elle ne s’en apercevra guère.

« Guard ! turn out ! » (sortez garde) cria un sergent, aussitôt qu’ils eurent franchi la porte de la ville. Le vieillard porte la main à son casque ; Jean-Baptiste regarde de tous côtés, ne voit aucun officier dans la rue, et ôte son bonnet, en disant : une politesse se rend par une autre. L’habitant poursuit sa route, pour se rendre au marché à bois, situé alors où sont