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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/154

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MÉMOIRES.

surtout resplendissante des feuilles de papier doré, des nombreux hiéroglyphes dont l’artiste, qui se piquait d’être un grand peintre, l’avait ornée. C’était à mes yeux un chef-d’œuvre de mître dont le grand prêtre Aaron, que j’avais vu dans les gravures d’une bible, aurait été glorieux. J’étais en extase devant ces merveilles.

— Tu sais, me dit-il, que c’est dimanche prochain la grande procession de la Fête-Dieu. Tous les enfants de parents riches l’accompagnent habillés en prêtre, en évêque ou en récollet. Tu peux penser combien je vais faire de jaloux lorsque je paraîtrai dimanche au milieu d’eux !

— Ah ! mon cher Justin, lui dis-je, vends-moi ton beau costume !

— Je ne le puis, fit-il, le temps est trop court : il me serait impossible, même en travaillant la nuit, d’en faire un aussi beau.

Et il étalait devant moi toutes les pièces de la mascarade : j’avais les larmes aux yeux.

— Réflexion faite, fit Justin, tu es un fils de seigneur, je t’aime tendrement, et je souffrirais de voir quelqu’un mieux habillé que toi, si tu fais partie de la procession. Il est bien vrai que tout cela me coûte beaucoup : sept chelins et dix-huit sols de déboursés, sans compter mon travail, qu’entre amis je ne veux pas te faire payer.

Comment ne pas croire à une somme si exacte : sept chelins et dix-huit sols ! Que de remerciements au citoyen McCarthy, comme il se faisait appeler lui-même tout enfant qu’il était, pendant la révolution française.