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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/16

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MÉMOIRES.

— Oui, pendant trois à quatre ans, à ce que m’a dit mon père, mais j’étais si jeune que je ne m’en souviens pas.

— Vous êtes pourtant du même âge que moi, répliquai-je : ma mère me l’a toujours dit, je me souviens de vous, après plus de soixante-et-six ans, comme si c’était hier ; vous veniez fréquemment jouer avec moi. Votre père était veuf et habitait une maison appartenant au mien près de son moulin de Trois-Saumons. La dernière fois que je vous ai vu, c’était la veille de votre départ ; nous étions dans la cour, vis-à-vis de la fenêtre, au nord-est de la porte principale du manoir. Je me souviens encore que nous étions très occupés à faire manger, suivant notre expression, deux petits chevaux de bois dans le fond d’une bouteille cassée pleine d’herbe et d’eau. Soit excitation à la vue d’une découverte si ingénieuse, soit maladresse de ma part ; j’appuyai fortement ma main sur la mangeoire improvisée, et je me fis à un doigt une blessure dont je porte la marque. J’avais alors à peine quatre ans.

M. Riverin avait tout oublié.

Mais revenons à cette attaque de typhus, qu’on ne connaissait alors au Canada que sous le nom de fièvre putride, ne serait-ce que pour mettre en évidence, une fois de plus, les voies dont se sert la main de Dieu pour sauver la vie à une créature humaine. Je donnais à peine signe de vie depuis trois jours : on s’attendait à ma mort à chaque instant. Le médecin de la campagne qui me soignait avait probablement fait ses études médicales à la porte cochère d’un collège pen-