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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/179

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Nous ne goûtâmes guère les couplets du père Laurent : d’abord parce que les polissons de la ville de Québec nous appelaient moutons bleus et nous criaient bè ! bè ! dans les rues ; et ensuite parce que la turlurure du père Caron semblait nous reprocher notre faiblesse. Le lecteur se tromperait fort de nous croire des enfants faibles et efféminés, nous étions au contraire tous très forts et très vigoureux, mais le plus âgé d’entre nous avait à peine seize ans. N’importe, après une assez longue marche, nous attaquâmes la troisième montagne, deux fois aussi haute que les deux précédentes que le père Laurent avait gratifiées du nom méprisant de button. Painchaud, Maguire et moi, les plus fortes jambes des enfants de notre âge, n’étions, malgré nos efforts désespérés, et en suant sang et eau, qu’à la moitié de notre ascension, lorsque nous entendîmes, pour nous encourager sans doute, la voix sonore du père Laurent, qui nous régalait des couplets suivants :

Mon père avait trois cents moutons,
J’en étais la bergère,(bis)
Don daine don don,
J’en étais la bergère, don.

Un jour en les menant aux champs,
Le loup m’en a pris quinze,(bis)
Don daine don don,
Le loup m’en a pris quinze, don.

Un cavalier passant par-là,
Tous quinze me les ramène,(bis)
Don daine don don,
Tous quinze me les ramène, don.

En vous remerciant, monsieur,
De vous et de vos peines,(bis)
Don daine don don,
De vous et de vos peines, don.