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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/21

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MÉMOIRES.

éteindre le feu dans ma chambre et ouvrir toutes les fenêtres de la maison. Il ordonna ensuite de me changer de linge et de lit, et de jeter dehors tout ce qui avait servi à mon usage.

Mais, dit ma mère, il va passer dans mes bras en le changeant ; il respire à peine.

— Ne craignez rien, madame, fit le docteur, l’air que je viens de lui donner a déjà augmenté ses forces, et le linge blanc va les tripler.

Bref, il me sauva la vie. Le bruit se répandit bien vite, dans la paroisse, que le médecin de Québec m’avait assassiné ; qu’au lieu de me réchauffer, comme avait fait son confrère, il me soignait à la glace. Et ce ne fut qu’après ma convalescence qu’ils avouèrent que j’étais encore vivant ; tout en faisant, néanmoins, cette sage réflexion en branlant la tête : Le docteur a pourtant fait tout ce qu’il a pu pour le tuer : il fallait que le petit maringouin eût l’âme chevillée dans le corps, et sept vies l’une au bout de l’autre !

Ma mère, témoin du changement merveilleux que le traitement du nouveau médecin avait fait en moi, lui dit qu’elle éprouvait maintenant une autre crainte, que la coqueluche était dans la maison, et que dans mon état de faiblesse, une attaque de cette cruelle maladie m’emporterait bien vite.

Les chances sont cent contre une, dit le médecin, qu’il ne prendra pas cette maladie, et s’il l’attrape, l’attaque en sera si légère qu’elle passera presque inaperçue.