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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/223

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saire, ainsi qu’un grand nombre de curieux. J’avais tout le corps endolori, et même un peu de fièvre. Trois de mes amis intimes, les lieutenants Le Breton, Angouville, et le capitaine Day, dirent à mes adversaires, sans me consulter, qu’en toute justice la course devrait être remise à un autre jour. Mais ils s’y refusèrent, en alléguant les mêmes raisons que mon ami et tu videris.

Il se fit subitement une réaction, une surexcitation extraordinaire dans mon système organique, et je ne sentis plus qu’un besoin : celui de me venger de ce que, dans mon ignorance des lois du turf, je croyais être une injustice envers moi.

Ce fut, sans doute, mon heureuse étoile qui influa sur le choix qu’ils firent de leur champion : Skynner avait l’haleine d’un sauvage, mais peu de vitesse. Après un parcours d’un demi-mille, surpris de ce qu’il ne courait pas plus fort, je ne pus m’empêcher de lui dire : Si nous allons toujours de ce train-là, nous ne serons rendu qu’au soleil couchant. — Passez, me dit-il, si vous êtes pressé. Je crus qu’il badinait ; mais pour en avoir le cœur net, je lui dis : Adieu, donc ! et je repris la course de toute la vitesse dont j’étais capable et je la terminai de même. Skynner n’avait ni augmenté ni ralenti son train. Il était loin d’égaler mon cockney pour une semblable distance. Après sa défaite, il me proposa de courir, dans huit ou quinze jours, six milles contre moi : je le remerciai, en lui disant qu’il pourrait m’arriver malheur d’ici là, et qu’il me faudrait lutter quand même, ou payer l’enjeu.