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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/275

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chansons comiques, de folle gaîté. Le repas se prolongeait toujours très tard dans la nuit, et c’était lorsque nous étions au comble de l’hilarité que Vallière chantait, pour faire endiabler Fletcher, la chanson si spirituelle que tout le monde connaît : « Londres qu’on m’a tant vantée » ; j’avoue que c’était le plus souvent nos amis anglais-canadiens qui, ayant le bon esprit de rire de cette chanson satyrique, poussaient Vallière à en régaler Fletcher, l’anglais le plus préjugé contre les Canadiens que j’aie connu, et je pourrais ajouter contre tout ce qui n’était pas anglais pur sang.

Monsieur Fletcher, procureur à Londres, avocat à Québec, et mort ensuite Juge, était certainement un des hommes de talent les plus distingués et d’une vaste érudition, mais bon Dieu ! quelle voix désagréable lorsqu’il plaidait ! une voix propre à irriter les oreilles les moins sensibles à l’harmonie des sons. Qu’on juge maintenant de quelle musique il régalait nos oreilles lorsqu’il s’avisait de chanter !

Il entrait presque en fureur lorsque Vallière chantait les vers satyriques dont je viens de parler. Ses gros yeux à fleur de tête menaçaient de sortir de leur orbite, et il entonnait alors pour se venger, croyait-il, un « God save the King, » sur un air que son compositeur Lulli n’aurait jamais reconnu, et qui eût fait fuir Louis XIV, pour lequel fut composé cet hymne que lui chantaient les élèves de Saint-Cyr, lorsque ce monarque leur rendait visite avec Madame de Maintenon.

Les paroles de cet hymne, que les Anglais ont traduit presque mot pour mot, sont de Madame Brinon, et les voici :