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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/292

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— Comment me les aurait-il servis puisque vous les aviez emportés ? Il n’a retiré du fourneau du poêle que le plat, la sauce, et une barde de lard que vous aviez oubliée.

— Les marmitons, fit McCarthy, se régalent-ils ordinairement de poulets ?

— Non, répliqua M. Joseph.

— Alors, monsieur, dites votre meâ culpâ, car vous avez induit votre prochain en tentation : les hommes maigres et picotés, à ce que dit Buffon, ont l’odorat fin, et le fumet des volailles l’aura tenté. Je gagerais qu’il vous a apporté le plat vide d’une seule main ?

— Ça se peut ; mais je n’y ai pas fait attention, fit M. Joseph en essuyant son gros visage couvert de sueurs.

— Eh bien ! Monsieur, soyez persuadé et convaincu que de l’autre main il tenait vos poulets enveloppés dans son tablier graisseux, toujours roulé autour de ses hanches, pour cacher ses larcins ; ce n’est pas le marmiton le plus propre de la ville que le sieur Noël.

Et vous avez de plus sur la conscience, ajouta McCarthy d’un ton de casuiste, de l’avoir induit en tentation ; et c’est l’opinion du grand Bourdaloue.

Le contre-maître était atterré : la disculpation lui semblait complète, et il suait à grosses gouttes, salué qu’il était des éclats de rire des assistants de cette scène burlesque. McCarthy avait obtenu son but, qui était de nous divertir ; il ne vivait que de cela.

— La preuve, dit tout à coup M. Joseph prenant son courage à deux mains, que vous avez mangé mes poulets, est que vous m’en avez jeté les os à la tête.

— Savez-vous l’anatomie ? fit le citoyen.