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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/337

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battants, soit plutôt parce que me prenant pour un perruquier, en me voyant ainsi couvert de poudre et de pommade, ils ne fussent pas fâchés de me voir rosser un gentleman.

La méprise était, d’ailleurs d’autant plus naturelle que chaque monsieur se faisant alors raser et coiffer par un perruquier, on les rencontrait tous les matins courant leurs pratiques avec des habits non seulement couverts de poudre, mais aussi de nombreuses taches de pommade.

Well done little barber ! (Courage, petit barbier), rossez-le d’importance ! crièrent les matelots.

Si cette méprise si humiliante pour un petit maître, pour un gentleman, augmentait ma colère, la sympathie de ces braves fils de l’océan, accroissait mes forces et mon courage ; aussi, après un combat des plus acharnés, je fus déclaré vainqueur ! Mais dans quel état, bon Dieu !

Je n’eus rien alors de plus pressé que de me soustraire aux regards du public, espérant aussi rentrer chez mon père sans qu’il en eût connaissance ; mais j’avais compté sans mes alliés de la frégate, trop fiers de mon triomphe pour se séparer si promptement de moi. Les malheureux m’accompagnèrent jusqu’à mon domicile en criant : hurrah pour le petit barbier !

Le bruit infernal qu’ils faisaient attirait tout le monde aux fenêtres, et une des premières personnes que j’aperçus, fut mon père qui bouillait de rage à la vue du triomphe de son cher fils. Je vous assure que l’ovation qu’il me fit fut un peu différente de celle de mes amis goudronnés.