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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/346

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cinquante-quatre ans. Quoique bien jeune alors, ma position dans la société me mettait en rapport avec ses amis et ennemis : j’entendais constamment le pour et le contre, et j’en conclus que, loin d’être un méchant homme, un tyran, sir James avait un excellent cœur, et je vais en donner des preuves. Je tiens d’une autorité non suspecte, de mon oncle Charles de Lanaudière, membre du conseil législatif, haut torie s’il en fut, et qui approuvait même presque tous les actes arbitraires de l’oligarchie, je tiens, dis-je, de cette source non suspecte que sir James Craig, qu’il voyait fréquemment (il l’avait connu en Angleterre et même au Canada pendant la guerre de 1775,) lui avait dit peu de temps avant son départ pour l’Europe : « qu’il avait été indignement trompé et que s’il lui était donné de recommencer l’administration de cette colonie, il agirait différemment ». Cet aveu n’est pas celui d’un homme méchant.

Comment se fait-il alors qu’un homme si pénétrant, se soit laissé abuser ! c’est ce qu’il m’est difficile de résoudre. Ses amis prétendaient, pour l’excuser, qu’élevé dans les camps, il avait péché par ignorance de la constitution anglaise. Halte-là ! Sir James Craig était un littérateur distingué, une des meilleures plumes, disait-on, de l’armée britannique ; et il avait, tout jeune homme, occupé la situation de juge-avocat dans l’armée, ce qui exige une étude plus que superficielle des lois anglaises. Il a souvent, à ma connaissance, présidé la cour d’appel de Québec, et ses remarques étaient celles d’un homme qui possède des connaissances légales que l’on rencontre rarement en dehors de la profession