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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/360

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se fait-il que, vous ayant vu hier au soir en route avec la malle de Montréal, vous soyez ici ce matin.

— Par une raison bien simple, répliqua-t-il : arrivé à l’Ancienne Lorette, le mauvais temps s’est élevé et je me suis dit : je suis bien fou de voyager par un temps semblable, les nouvelles que je porte dans ma malle n’y moisiront pas pendant une journée ou deux de retard ! Et je suis revenu coucher chez moi, afin de souhaiter la bonne année à mes amis ce matin, et je vous la souhaite encore bonne et heureuse.

Monsieur Séguin, un digne homme s’il en fût, ayant conservé sa place, quasi jusqu’à sa mort, je dois en conclure qu’il ne fut pas blâmé par ses supérieurs, ou peut-être qu’on ne s’aperçut même pas que la malle avait retardé de deux jours. Toujours est-il qu’on prenait alors son temps en toutes choses, et que le go ahead des Américains était lettre morte pour nous.

Comme il n’y avait à cette époque aucun bureau de poste établi entre Québec et Trois-Rivières, voici comme la chose se passait pour ceux qui demeuraient à la campagne.

— N’oubliez pas, disait le soir à une servante mon oncle de Lanaudière, seigneur de Sainte-Anne de la Pérade, de préparer le souper de Séguin.

Le sieur Séguin arrivait la nuit au manoir dont les portes restaient toujours ouvertes, soupait tranquillement, tirait de sa poche les lettres adressées à la famille, ainsi que les journaux, quand il y en avait ; les déposait sur une table et continuait sa route.

Après une digression dont je suis assez coutumier, revenons à la rareté des voyageurs à cette époque.