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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/373

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HISTOIRE DE CHATIGNY.[1]


Vous avez remarqué que nous évitons de parler de Chatigny et de sa déplorable histoire, car l’homme est de sa nature superstitieux et les impressions de l’enfance s’effacent difficilement. Cette butte a toujours été considérée comme un endroit fatal par les anciens chasseurs qui nous ont conté l’histoire qui s’y rattache en nous conjurant de l’éviter autant que possible. Vous savez que je passe ici, seul, deux mois à faire la chasse aux loups-marins, avant l’ouverture de la chasse au petit gibier qui commence vers la mi-août. J’ai souvent entendu moi-même, pendant le silence des nuits calmes, ainsi que pendant les nuits orageuses, les lamentations dont vous avez parlé, sans en ressentir aucune frayeur ; je priais pour l’âme en peine de celui qui s’était lamenté sur cette butte pendant neuf jours et je dormais ensuite d’un sommeil paisible.

La catastrophe dont je vais vous entretenir doit être bien ancienne, puisqu’elle m’a été racontée pendant ma jeunesse par un vieillard, qui lui aussi l’avait entendu raconter pendant sa jeunesse, et vous voyez que je suis octogénaire.

Deux jeunes gens, amis d’enfance, demeuraient dans la même paroisse et presque voisins. Il est difficile de comprendre comment deux hommes de caractères si différents entretenaient un commerce d’amitié.

  1. J’ai mis histoire au lieu de légende, car je la crois vraie même dans tous ses détails.