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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/431

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qu’elle le vit, et ils pleurèrent longtemps sans pouvoir dire motte (mot).

— Les gens de l’autre monde ne se trompent guère, remarqua le père Romain ; et tout arriva comme le revenant l’avait prédit. Trois mois après, Lamonde conduisait à l’autel la plus belle créature de la paroisse.

— C’est très-bien finir jusque là, dis-je, mais quelle sorte de ménage firent-ils ensemble ?

Le père Chouinard garda pendant quelque temps le silence et dit ensuite :

— Un ménage en règle. La créature, comme vous savez tous, est pas mal casuelle : LaFine voulut, d’abord, recommencer un peu son train-train, elle n’avait pas tout à fait oublié, malgré ses traverses, son ancien métier de coquette tout en aimant son mari comme les yeux de la tête. Mais Lamonde y mit bien vite ordre ; il déclara un jour à la porte de l’église qu’il n’était pas jaloux, que ça lui plairait même de voir sa femme entourée de farauds, mais que par rapport aux mauvaises langues, il briserait les reins au premier freluquet qui s’aviserait de lui en conter. Et il ajouta que, pour n’être point pris au dépourvu, il avait déjà coupé un rondin d’érable prêt à lui rendre ce service.

Comme il était fort comme un taureau anglais, chacun pensa à son reintier ; et se le tint pour dit.

Je conseille, moi, reprit le père Romain, le même remède à ceux qui ont des femmes scabreuses (volages). Je ne parle pas, Dieu merci, pour la mienne : un guerdin (gredin) voulut un jour lui faire une niche et elle vous lui appliqua les dix commandements sur le front avec ses ongles, et lui déchira la peau jusqu’à la