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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/441

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Une main posée légèrement sur mon épaule mit fin à mon exaltation.

— Croyez-vous, M. Philippe, me dit le père Romain, qu’un petit bout de prière vous ferait du mal ?

— En effet, dis-je, nous l’avons échappé belle ; il est heureux que vous ayez eu la précaution de construire votre cabane dans ce petit bocage de jeunes sapins ; car cette vieille épinette que le vent vient de déraciner nous aurait écrasés sous ses débris ; sa tête brisée n’est tombée qu’à dix pieds de l’endroit où nous sommes.

— J’y ai songé quand j’ai construit ma cabane, reprit le père Chouinard, car il ne faut pas tenter le bon Dieu ; mais croyez-vous que s’il eût voulu nous faire mourir, il n’aurait pas ordonné au vent de souffler plus fort ?

Le philosophe se sentit humilié en présence de cet homme qui reportait tout à Dieu.

— Oui ; rentrons, père Chouinard, faisons la prière en commun, vous êtes le plus vieux ; c’est à vous à la réciter.

— Non, M. Philippe : vous avez fait vos études pour être prêtre, et si vous n’avez pas pris la robe, c’est que ça ne vous le disait pas ; vous devez donc en savoir, vous, de belle prières.

    des misères du peuple italien, et ne manquait pas d’en jeter l’odieux sur le Pape et le Roi de Naples.

    — Mais, lui dis-je, la misère de la classe d’Angleterre est beaucoup plus affreuse ?

    — Vous voulez, me dit-il, parler de l’Irlande ?

    — Non, non, lui dis-je, je fais allusion à la vieille angleterre. Avez-vous visité les caves de Liverpool, les pauvres de Spitfield, de Saint-Gilles, Saffran-Hill à Londres ?

    — Non, non, répliquat-il, je n’ai point visité les quartiers auxquels vous faites allusion.

    Singulière manie qu’ont les Anglais de trouver tout en bien chez eux, et de blâmer les autres nations ! Et, mon ami est un homme éminent et très-instruit.