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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/486

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troupes de l’armée régulière. Mais notre héros canadien était né soldat, et on aurait pu croire que la première bouffée d’air qu’il avait respirée en naissant était imprégnée de poudre à canon. J’ai souvent entendu dire que sa compagnie, et celle du capitaine Chandler[1] aussi Canadien, mais d’origine britannique, étaient les mieux disciplinées du 60e régiment.

Les Voltigeurs craignaient leur commandant comme le feu ; le couplet de chanson suivant à son adresse, assez drôle dans sa naïveté toute canadienne, en fait foi :

 « C’est notre Major
Qu’a le diable au corps,
Qui nous don’ra la mort :
Y’a pas de loup ni tigre
Qui soit si rustique,[2]
Sous la rondeur du ciel
Y’a pas son pareil. »

Mais si les Voltigeurs-Canadiens craignaient leur commandant, ils en étaient en même temps fiers et l’aimaient ; ceux que j’ai connus, après la guerre de 1812 tenaient tous le même langage :

— C’est bien vrai que le colonel de Salaberry nous menait sous le fouet, mais c’était un homme juste : pas plus de passe-droit pour le soldat que pour l’officier, chacun buvait à la même tasse. Nos plaintes étaient toujours écoutées ; et si l’officier avait tort, il était tancé de la belle manière ; pas plus de préférence pour

  1. Le capitaine Chandler est mort seigneur de Nicolet après avoir servi avec honneur l’armée britanique.
  2. Le peuple se sert du mot rustique pour exprimer méchant, difficile à vivre.