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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/495

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Mes compatriotes n’assiègent pas aujourd’hui la porte d’un thaumaturge pour se faire guérir de leurs maux physiques, par la raison bien simple que ce saint personnage leur manque pour le quart d’heure, mais ils n’en sont pas moins les dupes, soit dit en passant, de tous les charlatans politiques qui les exploitent à leur profit.

Que font aujourd’hui mes concitoyens de l’autre origine ? Ils ne croient pas aux miracles eux ; et n’iraient pas plus demander la santé à un thaumaturge aujourd’hui, qu’ils ne l’auraient fait autrefois, mais ils vont écouter un lecteur qui prouve clair comme deux et deux font quatre que Napoléon III est l’antéchrist, la bête de l’Apocalypse. Il faut avouer que c’est une race gourmande que les Bonaparte : deux antéchrists de la même famille, dans l’espace d’un demi-siècle, c’est un peu fort ! Il faut convenir que si mes amis anglais ne croient pas aux miracles, ils avaient en revanche, de temps à autre, de fameux canards.

Mais revenons au premier antéchrist de cette famille dont on s’occupait il y a cinquante-sept ans, comme je l’ai dit, et citons le texte même de l’Apocalyse au chapitre XIII.

« Et je vis s’élever de la mer une bête qui avait sept têtes et dix cornes, et sur ces cornes dix diadèmes, et sur ces têtes des noms de blasphèmes. »

Certes, Napoléon, né dans l’Île de Corse, était bien sorti de la mer, et il portait bien alors autant de diadèmes. Que ceux qui en doutent ouvrent l’histoire pour s’en assurer, et ils verront qu’il y avait peut-être surabondance de couronnes.