Aller au contenu

Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/515

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

amies qui veulent rebrousser chemin en voyant que la phalange hostile serre les rangs comme à Fontenoy ; alors, sans se déconcerter, elle s’avance seule et leur dit de l’air superbe d’une impératrice : « S’il est un seul gentleman parmi vous qu’il fasse livrer passage aux dames, » ce reproche piquant eut l’effet désiré, et la voie fut aussitôt libre.

La jeune fille canadienne avait rompu la colonne anglaise, comme la brigade irlandaise avait puissamment aidé à enfoncer la colonne anglaise à Fontenoy. Je ne puis m’empêcher de citer un passage des mémoires si précis, si véridiques du Marquis d’Argenson au sujet de cette bataille : ne serait-ce que pour montrer en quelle estime les Français avaient le bouillant courage des enfants de la verte Érin.

« Le Roi demanda le corps de réserve et le brave Lordendall, mais on n’en eut pas besoin. Un faux corps de réserve donna. C’était la même cavalerie qui avait d’abord donné inutilement, la maison du Roi, les carabiniers, et ce qui restait tranquille des gardes françaises, des Irlandais, excellents surtout quand ils marchent contre les Anglais et les Hanovriens. C’est Monsieur de Richelieu qui a donné le conseil et qui l’a exécuté, de marcher à l’ennemi comme des chasseurs ou comme des fourrageurs, pêle-mêle, la main baissée, le bras raccourci ; maîtres, valets, officiers, cavaliers, infanterie, tout ensemble… Ce fut l’affaire de dix minutes que de gagner la bataille avec cette botte secrète. »

Mais je reviens à propos de la petite scène dont ma tante fut l’héroïne. Je suis pour ma part de la vieille école, et je m’empresse toujours de livrer passage aux dames