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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/520

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mage de son mieux (car elle avait le cœur aussi bon qu’elle était prompte) en ordonnant à sa fermière de préparer à leur hôte un bon souper dont la seigneuresse elle-même ferait les frais ; et poussa je crois même la générosité jusqu’à faire remplacer la malheureuse paire de culottes qui faisait jour de toutes parts par la foncière.

Ce fut quelques jours après cette scène, vers la fin d’octobre, que j’arrivai le soir chez ma belliqueuse tante. Nous conversions tranquillement après souper, lorsque son domestique et sa servante entrèrent dans le salon portant un paquet de cordes, qu’ils attachèrent à chacun des contrevents déjà fermés, lesquelles cordes, après avoir traversé tous les appartements, finirent par se réunir dans la chambre à coucher de Mademoislle Agathe de Lanaudière. Curieux de voir à quoi tout cela aboutirait, je la suivis dans cette chambre où elle se mit aussitôt à attacher les dites cordes à quatre sonnettes qu’elle accrocha au haut des quatre poteaux de son lit. Elle ouvrit ensuite une armoire, en tira quatre pistolets dont elle déposa deux sur une petite table et me présentant les deux autres elle me dit : Ces armes sont chargées par moi et ne nous feront pas d’affront si nous sommes attaqués cette nuit par ces coquins.

— Savez-vous, ma chère tante, lui dis-je, que Vauban lui-même n’a jamais mieux fortifié une citadelle que vous !

— Vois-tu, mon fils, répliqua-t-elle, je n’ai jamais craint un homme lorsque j’ai été sur mes gardes, mais ces lâches pourraient me surprendre pendant mon