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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/527

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âme : monsieur Roxburg, victime de l’imprévoyance, craignait sans doute qu’on voulût lui faire l’aumône.

— Consultez, monsieur, votre cœur, répliquai-je, au lieu de prendre l’avis d’un jeune homme comme moi, et il vous dira tout ce qu’il y aurait de cruel à refuser à des pécheurs repentants qui ont erré pendant leur jeunesse d’accepter une restitution qui soulagera leur conscience d’un énorme fardeau, et qui vous prient de leur pardonner.

Il répéta avec amertume les mots « votre cœur », en appuyant la main avec force sur cet organe, qu’il croyait depuis longtemps desséché, et puis il ajouta après un pénible effort : laissez cet argent et faites-leur dire que je leur pardonne cette soustraction.

Je produisis ensuite une quittance rédigée par mon patron que je le priai de signer, ajoutant que, monsieur Perrault et moi n’étant que mandataires, cette pièce témoignerait de la restitution que nous étions chargés de faire, ainsi que du généreux pardon qu’il accordait aux coupables.

Il jeta un coup d’œil rapide sur le papier et dit :

— Vous appartenez par votre mère à la famille de Lanaudière, que j’ai bien connue, et vous en avez la sensibilité : ne croyez pas, jeune monsieur, que ce soit un compliment que je vous fais, ni que je vous félicite d’avoir un cœur sensible : heureux, au contraire, mille fois heureux ! celui qui possède un cœur d’airain puisqu’il est condamné à vivre parmi les hommes ! adieu ; ajouta-t-il, en jetant avec dédain la plume dont il s’était servi pour signer la quittance.

— Vous ne m’en voulez pas, monsieur, lui dis-je ?