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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/65

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MÉMOIRES.

— Tu vois bien, gros sot, dit le vieux moine, que c’est de la moutarde après dîner.

Un prêtre des environs de Québec passait pour avare et peu hospitalier, préférant dîner à la table d’autrui que de recevoir des convives à la sienne. Il venait fréquemment à Québec où il recevait bon accueil partout où il se présentait, et principalement au séminaire, à la cure de Québec, aux Jésuites et au couvent des récollets. Quelqu’un aborde le père de Bérey dans la rue et lui demande s’il a vu M. le curé X. — Oui, dit le moine, il m’a rappelé le lion de l’Écriture : circuit quærens quem devoret.

On a depuis attribué cette réponse satirique à d’autres personnes ; mais pour moi, j’ai été élevé avec cette anecdote du père de Bérey.

Mais revenons à mes bons frères récollets auxquels un plat d’œufs à la tripe que j’ai mangé aujourd’hui me ramène assez naturellement.

Les œufs à la tripe

Ma famille demeurait à la campagne, où il y avait peu de société ; et l’arrivée des frères récollets au manoir de Saint-Jean Port-Joli (ils voyageaient toujours par couples), était considérée, comme une bonne fortune. Soit invitation de la part de mon père, soit que les fils de Saint-François fussent assurés d’un bon souper et d’un bon lit, ils arrivaient toujours vers le soir. Je ne parle du lit que pour mémoire, car ces moines, se couchant tout habillés, devaient avoir peu d’égards pour les draps blancs ; le lit de duvet pouvait seul avoir des attraits pour eux.