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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/67

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MÉMOIRES.

des grimaces, à travers les vitres à mon petit frère resté dans la maison. Après un échange, plus ou moins prolongé, de ces aménités fraternelles, je réussis à m’aplatir si bien le nez que mon front et mon menton pressaient fortement la vitre sur laquelle je poussais. C’était, d’ailleurs, un tour de force assez facile pour moi qui avais le nez très flexible ! Mon frère, stimulé par le noble exemple que lui donnait son suzerain, se mit aussitôt à pousser de son côté ; mais comme il avait malheureusement le nez aquilin et dur comme du bois, il ne faisait que peu de progrès dans cette noble joute, quand, faisant un effort furieux, la malheureuse vitre vola en éclat, non pas sans ensanglanter un peu les armes dont se servaient les deux jouteurs.

— Ah, les monstres ! dit ma mère, ils ont cassé une vitre à l’entrée de la nuit ; il n’y en a pas une seule dans la maison ; et nos marchands les plus près demeurent à une lieue et demie d’ici.

Ma mère disait toujours nos marchands, soit par habitude, ayant été élevée dans une ville, soit pour faire honneur à la paroisse de Saint-Jean Port-Joli, qui n’en possédait réellement alors qu’un seul. Ce marchand unique, qui approvisionnait alors largement la paroisse de Saint-Jean Port-Joli de tout ce qu’elle avait besoin, était le respectable M. Verrault, grand-père de M. l’abbé Verrault, principal de l’école normale Jacques-Cartier. Je ne puis m’empêcher de relater une petite anecdote de lui.

C’était un homme de beaucoup d’esprit et à la répartie vive. Un de ces gros saint-épais, comme il s’en trouve