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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/80

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MÉMOIRES.

d’un long bâton, percé par un bout, qui servait de manivelle pour faire tourner la longue broche chargée de viandes exposées à la chaleur ardente du feu de la cheminée ; il agitait sans cesse l’instrument qu’il tenait en main, soit en chantant ou en essuyant les sueurs de son front du revers de sa manche d’étoffe qui lui servait d’éponge.

L’instrument qui servait de tourne-broches, chez mon père, se montait comme une horloge. La cuisinière, après avoir exposé ses viandes près du feu, courait au grenier et faisait monter jusqu’au faîte de la maison, en se servant d’une clef faisant partie du mécanisme, un poids de vingt-cinq à trente livres. Lorsque la broche, ou les broches, car il y en avait souvent deux ou trois, arrêtaient, elle prenait de nouveau sa course au grenier pour recommencer la même opération.

Les fils de Saint-François avaient beaucoup simplifié la besogne en établissant tout le mécanisme nécessaire à la cuisson des viandes sur le foyer de la cheminée, et en substituant un chien à un tourne-broches marmiton.

— Mais, dit le lecteur, les chiens de votre temps étaient donc des prodiges d’intelligence ?

Ils n’en avaient pourtant guère plus que l’écureuil sortant de la vie peu civilisée des forêts et que l’on enferme dans une cage ronde de fil de fer, que le gentil animal se dépêche de faire tourner, tourner, pour en sortir au plus vite, quoiqu’il ne soit pas plus avancé à la fin de la journée que le matin, croyant, néanmoins, avoir fait beaucoup de chemin. Comprenez-vous maintenant ? On enfermait le chien dans un rouleau semblable : le chien n’avait pas comme l’écu-