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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/93

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MÉMOIRES.

Le cher oncle, se trouvant en famille, usait librement du privilège de tourmenter ses garde-malades, à ce qu’il paraît.

J’ai souvent parcouru avec lui le champ de bataille témoin de notre dernière victoire avant la conquête ; et chose étrange, il ne m’a jamais rien dit du glorieux rôle qu’il y avait joué à l’âge de seize ans. Combien de renseignements utiles à la génération actuelle aurais-je obtenu de ces hommes des anciens temps, si j’eusse été plus versé dans l’histoire de mon pays ! Mais, il est vrai de dire qu’alors on ne se parlait que dans le tuyau de l’oreille, crainte de passer pour des French and bad subjects. (Français et sujets déloyaux).

Je passais cependant un jour avec mon oncle Baby près du moulin de Dumont, lorsqu’il arrêta la voiture et me dit :

— Tu vois ce ruisseau qui descend vers le nord ; et bien, là, pendant la bataille de 1760, sur ces plaines, était couché Monsieur de LaRonde, brave officier blessé à mort : nous opérions un mouvement de retraite au pas accéléré, criblés par la mitraille anglaise, et sabrés d’importance par les montagnards écossais, lorsque passant près de cet officier, il me dit : À boire ! mon cher petit Monsieur, je vous en prie. Je feignis de ne pas l’entendre, l’ennemi faisait un feu d’enfer sur nous, et si j’eusse arrêté pour lui donner à boire, il est probable qu’un instant après j’aurais moi-même requis le même service de mes camarades.

— C’était la seconde fois que nous étions expulsés de cette position importante, ajouta mon oncle Baby,